• 10 Faim de colère (Nathalie / Esmène)

    Bien évidemment, Nathalie n'allait pas rester à Kelba longtemps. Cette femme voyageait énormément... Elle alla jusqu'au royaume de Sadida. Non pas parce qu'elle savait que deux disciples du dieu végétal étaient possédées elles aussi par des péchés (l'orgueil et la paresse), mais surtout pour aller voir les autres pécheurs. Peut-être y'en avait-il ?

    La première chose que la jeune Sacrieuse vit, c'était ce duo de Mulous qui se disputaient un morceau de viande. Un bout de quoi ? Personne ne le savait, même pas les Mulous. À vrai dire, pour un animal, ce qui comptait, c'était de trouver à manger. Et ils avaient de quoi se faire un repas. Le morceau étant cependant insuffisant pour deux bêtes de leur carrure, il leur fallait se battre pour savoir lequel se régalerait.

    Nathalie ne bougea même pas. Elle les regarda en train de combattre. On ne pouvait pas punir des animaux comme cela. Un animal ne pense pas exactement comme une personne. Ils ont aussi des sentiments, mais il y avait quelque chose qui changeait. Et elle le ressentait. Puis, elle partit et laissa les deux animaux. Le Mulou le plus gros réussit à avaler le morceau de viande, dès lors, le second se jeta sur lui, comme pour se venger.

    Elle se dirigea en direction de la forêt maudite garou. La Reine n'était pas là. Les deux gardes restaient à côté de l'accès, sans broncher. D'autres dormaient carrément à terre. Nathalie les fixa. Ils devaient forcément être de service, et pourtant, ils ronflaient tranquillement sur l'herbe, sans aucune gêne ! Quelque chose ne tournait pas rond !

    NATHALIE - Ils se reposent tranquillement alors que le danger est juste derrière eux...

    Elle serra les poings, puis entra dans la forêt garou. Une Muloune enragée se précipita sur elle, mais la Sacrieuse la brûla, possédée par Rushu. Elle prit alors la fourrure de l'animal et se recouvrit de la tête jusqu'aux pieds. Elle ressortit finalement.

    Des ailes géantes s'étaient dégagées de la fourrure brune de la Muloune assassinée. Nathalie se dirigea vers les gardes qui somnolaient. Elle se mit alors à agir tel un Mulou enragé et tua avec son couteau chaque garde endormi, en faisant semblant de les griffer. Dès que les gardes éveillés virent le massacre en train de se produire, ils sortirent leurs lances. Nathalie les regarda. Les gardes virent alors le regard possédé de la jeune Sacrieuse et reculèrent. Car ils étaient face à Rushu en personne, qui profitait du corps d'une pauvre disciple du monde des Douze !

    NATHALIE / RUSHU - Que se passe-t-il ? Bande de mauviettes, auriez-vous peur de moi ?

    La Reine Sheram Sharm était toujours absente... Qu'allaient dire les gardes à son retour ? Nathalie finit par partir, avant de se débarrasser de sa peau de Muloune près du bateau et de la jeter dans la mer.

    NATHALIE - Justice soit faite. Repentez-vous, misérables mortels.

    ESMÈNE - Misérables mortels. À devoir réclamer à manger sans arrêt !

    Cette parole était bien entendu ironique. À chaque décès de cette malédiction, Esmène gagnait davantage de puissance. Et ce n'était pas Anerice qui allait l'arrêter, bien au contraire.

    Esmène était aussi au courant de la visite d'Astérine, la petite Ecaflipette qui a voulu aller vers son château. Ce dernier était pourtant déclaré en "zone de quarantaine" par les autorités Brâkmariennes. Esmène ne voulut même pas le reconnaître et disait qu'un jour, tout le monde finirait bien par tomber malade un jour ou l'autre. Ce n'était plus qu'une question de temps.

    ESMÈNE - Quarantaine, c'est un bien grand mot tiens. Et vaut mieux que cette gamine arrête de fouiner son nez dans les affaires privées des gens. Un peu de respect et de dignité quand même !

    La cloche se mit à sonner, et l'heure du repas aussi. Encore d'énormes quantités de nourriture qui allaient être englouties par une seule femme contrôlée par une démone.

    Alors qu'il y avait une femme heureuse et comblée, il en demeurait un très inquiet, c'était Hugo. Il avait vu sa femme dans une forme monstrueuse l'autre jour, et cette image était restée ancrée dans sa tête, telle une marque au fer rouge sur la peau d'un mortel.

    Impossible pour lui de parler de manière crue de cette histoire à sa femme. Mais cette dernière remarquait tout de suite son manque d'entrain.

    ESMÈNE - On dirait que tu as vu un Gostof ces derniers temps toi... Qu'est-ce qui t'arrive ?
    HUGO - Je ne peux pas vraiment en parler... J'ai tellement peur...

    Esmène éclata de rire.

    ESMÈNE - Allons allons chéri. Toi, peur ? Tu n'avais quand même pas de masque du pleutre sur toi ces derniers jours ! Même si je sais que tu le portes assez souvent.
    HUGO - J'ai vu un monstre dans ta chambre hier soir, voilà.

    Esmène lâcha sa fourchette. Elle savait que le monstre dont il parlait, c'était elle ! Elle fut tout de suite gênée. Anerice savait maintenant qu'elle n'était pas vraiment toute seule ce soir-là.

    ESMÈNE - Chéri, tu as certainement fait un mauvais rêve. Il n'y a pas de monstre ici, tu le sais bien ! Peut-être juste mon Gobgob un peu excité mais c'est tout. Et puis, ce n'est pas un monstre en lui-même, mais un symbiote.

    Hugo ne savait pas vraiment comme le lui dire. Il savait que ce n'était pas le Gobgob. Il pensait que sa femme était devenue différente depuis cette histoire de malédictions. Tant de secrets alors qu'ils sont mariés l'un à l'autre, c'était plutôt louche.

    HUGO - Et puis toi, tu ne me parles que très peu. Je m'inquiète.
    ESMÈNE - Ne t'en fais pas pour ça, va.
    HUGO - Tu comprendras au moins qu'avec cette espèce de monstre que j'ai vu, je nous sens menacés. Sans compter cette rumeur de maladie de boulimie qui court sur notre dos.
    ESMÈNE - Pas le tien. (Elle avala une autre bouchée.)
    HUGO - Oui mais même, cela n'empêche que tu es différente ces derniers jours.
    ESMÈNE - Calme-toi un peu. Tu t'inquiètes pour rien je te dis, il faut arrêter...

    Esmène sortit de table très tard comparé à tous les autres habitants du château. Elle finit par rentrer dans sa chambre. Hugo alla encore une fois voir ce qui se passait. Quant il revit la forme démoniaque de sa femme. Il réussit aussi à entendre quelques mots, comme si Esmène parlait à quelqu'un, sauf qu'il n'entendait pas l'autre interlocuteur. S'il y en avait un, bien entendu. Il finit par ouvrir la porte.

    Esmène avait disparu.

    À la place, se tenait Anerice, assise sur le lit.

    ANERICE - Tu n'as rien vu ni entendu...

    Elle se dirigea vers lui et le plaqua au mur, et se lécha les babines.

    ANERICE - Je te laisserai la vie sauve, vu que je sais ce que tu es pour elle, mais ce serait dommage de ne pas faire un petit souper de dernière minute...

    Telle "mortelle", telle démone. Anerice mordit Hugo avant de repartir. Le jeune homme tomba à terre, légèrement affaibli, avant qu'Esmène ne revienne et reprenne une forme plus humanoïde. Anerice lui avait tout raconté et l'avait rassurée. Esmène rallongea son mari sur son lit et décida de dormir à ses côtés, sachant qu'il ne se souviendrait plus de rien à son réveil... À part un petit mordillement de sa femme ?