• 11 Riches songes (Erica / Carolina)

    Des chachas miaulaient vers minuit dans les quartiers de Bonta. Il faisait noir, hormis quelques torches allumées par-ci par-là par quelques aventuriers de passage. Ils étaient tout jeunes. En revanche, une doyenne s'approcha d'eux, éteignit les lumières, et possédée plus que tout par la cupidité, déroba bourses, or, pièces, objets de valeur jusqu'à dépouiller ces pauvres citoyens qui n'avaient rien demandé. La démone de la vingt-quatrième heure riait, c'était son instant préféré, la nuit noire au moment du pont entre deux jours du calendrier de Xélor. Erica s'avançait doucement jusqu'à la bijouterie à côté des ateliers de tailleur de Nina Riccha, et réussit à prendre tout ce qui lui semblait de valeur. Elle devait tout amasser, et ne rien laisser, jusqu'au moindre centime de kama (s'il existait...).

    ERICA - Bonta, la cité de la lumière, la plus riche du monde des Douze... Qu'il est bon de garder et de chouchouter de tels petits trésors ! Mes enfants...

    Puis elle se dirigea vers les banques. Mais sa santé fragile l'empêchait de passer à travers tous les systèmes de sécurité, dignes de ceux d'Enutrosor. Cependant, elle n'était pas seule ! Oui, Minuit pouvait lui être utile...

    Aussitôt pensé, aussitôt dit, Minuit désactiva avec habileté toutes les alarmes. Il ne restait plus qu'à servir... Erica emporta tout ce qu'elle pouvait, et tant pis si le peuple se plaignait.

    ERICA - Quelle aubaine, mais quelle aubaine !

    Une fois son cambriolage terminé, il ne restait plus qu'à Erica de rentrer. Mais malheur, certains gardes l'avaient repérée. C'était sans compter sur Minuit. Le peuple en avait même oublié l'existence, de ces démons des heures autrefois enfermés par Xélor lui-même dans une autre dimension. Mais ce temps était révolu, l'arène avait été détruite par une explosion et Minuit s'était réfugiée dans la Shukrute avec tous les autres, jusqu'à se retrouver dans une petite pièce, symbole du pouvoir de l'avarice.

    MINUIT - Comment feraient-ils... S'ils se battaient avec moi, la souveraine des démons des heures ?

    Son arrogance semblait ne pas avoir de limites, et pourtant, ce fut bien elle qui flanqua une raclée aux gardes de Bonta. Pour vaincre son ennemi, il fallait le connaître, et c'était bien loin d'être leur cas.

    MINUIT - C'est tellement pathétique... Et dire que vous êtes censés être des gardes... Mais nom de nom, où est-ce qu'ils sont, les guerriers d'antan que je faisais combattre dans l'arène ? Hein ?

    Mais elle se calma très vite pour être dégoûtée. Erica et sa démone quittèrent le faubourg pour rejoindre le domicile. Gladys dormait à poings fermés, même si l'on devinait à son visage qu'elle était en plein cauchemar. Erica décida de ne pas intervenir, de peur d'éveiller les soupçons, et cacha ses trésors dans sa cave. Cave d'ailleurs fermée à quadruple tour. Et protégée par tous les moyens inimaginables. Mais au moins, pour le moment, elle pouvait dormir sur ses deux oreilles.

    Pareil pour Carolina, qui réussit à prendre un exemplaire du journal quotidien de Sufokia. Le gros titre parlait d'une maladie inconnue... "Pire qu'une procrastination, une paresse contagieuse sortie de nulle part". Carolina ne riait pas, elle se contentait juste de sourire et de s'allonger sur son lit, son pipeau juste à côté d'elle. La bagarre comme dans Brâkmar contre la boulimie ou dans Amakna à cause de son régime tyrannique, non merci. Rien ne valait que la paix et le repos éternel de Sufokia. Et la petite allait encore frapper...

    En se baladant près du rivage Steamulant, Carolina aperçut des Steamers au loin, tenter de se battre contre des bandits. L'un envoya un tir de Stasis aussi gros qu'un chef de guerre Bouftou, un autre posa un bloc et sortit une lourde chaîne pour frapper l'ennemi, et le dernier transforma son pistolet en lance-flammes, prêt à tout immoler sur son passage.

    CAROLINA - Mais quelle violence...

    Et c'était bien connu, Carolina n'aimait pas la violence. Sufokia avait une réputation à respecter, celle d'une nation où tous les jours de l'année, c'était les vacances. Elle sortit son pipeau, regarda une dernière fois le champ de bataille (où les Riktus commençaient à prendre l'avantage hélas) puis joua sa mélodie. Les Riktus se sentirent alors comme engourdis, envoûtés par cette troublante musique de l'acédie, et les Steamers se calmèrent, telles les vagues du rivage. Les guerriers et la nature semblaient s'apaiser à ces particulières sonorités, à s'endormir... Les paupières étaient lourdes, si lourdes, elles devaient retomber... Les corps s'évanouirent, et s'étalèrent sur le sable chaud des rives.

    Et puis un jour... Le journal reparut. "Six nouvelles victimes au rivage : la mystérieuse paresse prend de l'ampleur". Puis, plus bas et en plus petit, on pouvait lire : "La paresse mystérieuse : premiers cas de décès". Carolina se plongea sur ce dernier article et y apprit que la maladie qu'elle répandait de par sa musique de pipeau laissait dépérir de faim et de soif les gens et qu'ils se dépérissaient. XI la rassura en disant que plus il y aurait de décès, plus son pouvoir grandirait et donc plus elle pourrait amener la paix.

    XI : Ne te sens pas perturbée. Leur sort était déjà jeté depuis longtemps. Voilà ce qui arrive à ces pauvres mortels dont nous ne faisons pas partie lorsqu'ils se laissent trop aller... Mais la guerre tue tout autant !

    Carolina se sentait réconfortée. La violence, combien de décès recensés à cause d'elle ? Des dizaines, des centaines, des milliers, des millions, des milliards ?

    Tout cela n'avait plus d'importance maintenant...